Burundi : SOS d’un médecin rural à bout de souffle

Avec 0,6 médecins pour 10000 habitants, la densité médicale du  Burundi  n’a pas encore atteint la norme de l’OMS qui est de 1 pour 10000 habitants. Néanmoins de nombreux médecins restent sans emploi et ceux qui parviennent à avoir un travail se retrouvent au four et au moulin, désarmés et débordés. Un médecin consultant dans un hôpital rural nous raconte son quotidien.

Doctorat en Médecine en poche, me voici arrivé dans un hôpital rural. Un ami m’accueille et me fait faire un bref tour de l’hôpital. Dès le lendemain, le travail ne se fera pas attendre. A 7h30 déjà, le « staff » a commencé. Tout le personnel soignant se retrouve dans cette grand-messe matinale où on passe en revue tous les cas reçus la veille. Une heure plus tard, un collègue qui a dirigé le staff clôture la séance. Impossible de parcourir en intégralité tous les dossiers des patients, tellement ils sont nombreux. Nous nous contenterons d’insister sur les cas les plus graves et les plus urgents. Place  maintenant au tour des salles et des chambres, au lit des malades. Là aussi, difficile d’interroger et examiner soigneusement chaque patient comme nos chers maîtres nous l’ont si bien appris.

Parmi les 4 services hospitaliers principaux (Pédiatrie, Médecine interne, Chirurgie, Gynécologie-Obstétrique), je dois parcourir au moins 2 sinon les 4. Sauf s’il y a un collègue qui vient donner un coup de main. En 2 heures, le tour de l’hôpital est bouclé tant bien que mal.

Et la journée ne fait que commencer !

A 11h 30, le tour à peine terminé, je reçois un coup de fil d’un collègue en consultation externe, débordé par  les patients massés devant son cabinet. Je file immédiatement à la rescousse.

Compte tenu de la file d’attente des patients devant le cabinet de consultation, moins de 4 minutes sont consacrées à chaque patient. Parfois même le monologue du patient, pourtant crucial pour l’orientation du diagnostic, est interrompu pour aller droit au but.

A 14h00, je n’ai même pas encore fait la moitié de la pile des dossiers sur mon bureau. Alors que mon cerveau tourne au ralenti et mon estomac gargouille déjà, j’ai presque honte de dire aux patients en attente depuis le matin que je dois fermer le cabinet et prendre une pause. 

Mais à 15h00, je finis par céder. Je me rappelle que je suis plus utile vivant que mort. 30 minutes plus tard, je reviens dare-dare pour continuer les consultations. Le nombre de patients ne diminue pas car même ceux à qui j’ai prescrit des examens le matin reviennent pour les faire interpréter.

A 18h 00, je clôture ma journée. Je ne me suis même pas rendu compte que la nuit est tombée.

Habitué à me ressourcer sur internet, je ne peux pas tenir face à la fatigue. Juste après le repas, je me retrouve au lit et m’endort aussitôt.

Dormir d’un seul œil

Bien que je ne sois pas de garde, la  probabilité d’être réveillée la nuit pour une urgence n’est pas nulle. Du coup mon téléphone reste allumé et mon matériel toujours prêt à l’emploi.

Bref, mon quotidien est loin d’être une exception au sein de la profession médicale. Il représente plutôt le prototype du médecin burundais d’un hôpital rural qui, si rien n’est fait risque de jeter l’éponge comme ses 305 confrères marocains.

P.S : Toute ressemblance avec une histoire vécue ou des personnages ayant existés ne sera pas fortuite.